La réforme du secteur du transport en Côte d’Ivoire a été l’un des objectifs phares du gouvernement ces dernières années. Le ministère des Transports a mis en place une série de mesures visant à améliorer la sécurité routière, à assainir le secteur et à encourager la discipline parmi les conducteurs. Parmi ces mesures, la vidéoverbalisation, censée renforcer la régulation et sanctionner les comportements déviants, a fait son apparition. Cependant, un phénomène inquiétant persiste et soulève des questions sur l’équité et l’efficacité des réformes en cours.
Un paradoxe frappant : les bons citoyens pénalisés, les conducteurs de « Gbaka » et « Wôrô Wôrô » presque intouchables
Si l’initiative de la vidéoverbalisation est saluée par de nombreux observateurs comme un levier pour maintenir la discipline sur nos routes, il semble que certaines catégories de conducteurs échappent aux sanctions, malgré des comportements d’une irresponsabilité notoire. Les conducteurs de véhicules de transport en commun informels, plus particulièrement les « gbaka » et « Wôrô Wôrô », sont en grande partie responsables de cette situation paradoxale.
Ces conducteurs, souvent sans permis à jour, sans assurance, et avec des véhicules non conformes aux normes, sévissent dans les artères principales d’Abidjan. Leur mode de conduite, caractérisé par des vitesses excessives, l’utilisation des trottoirs comme voies de circulation, et des stationnements à des endroits stratégiques, est non seulement un danger pour les usagers de la route, mais aussi une violation flagrante des règles établies.
Un comportement tout aussi choquant : ces chauffeurs de « gbaka » et « Wôrô Wôrô », refusent de faire la queue dans les embouteillages, se taillant leur propre route en dehors des voies normales et prenant de l’avance sur les autres automobilistes. Cela crée non seulement un désordre total sur les routes, mais perturbe également la fluidité du trafic, impactant directement les populations qui se retrouvent à la merci de ces conducteurs. Plus alarmant encore, ces « gbaka » et « Wôrô Wôrô », continuent de circuler en toute impunité, souvent devant les forces de l’ordre, qui semblent passives face à la situation.
Une injustice manifeste : la loi pour les uns, l’impunité pour les autres
Le paradoxe se trouve dans le fait que ce sont souvent les citoyens respectueux des règles qui se retrouvent systématiquement sanctionnés pour de petites infractions, tandis que ceux qui bafouent les règles fondamentales de sécurité routière, dans des conditions précaires, continuent de circuler sans conséquences apparentes. Les citoyens qui respectent le code de la route, effectuent les visites techniques de leurs véhicules et assurent leur véhicule, sont souvent les premiers à être pénalisés lors des contrôles. Alors qu’une catégorie de conducteurs dont les véhicules sont dans un état déplorable semble échapper à toute forme de régulation.
Cela constitue une inégalité flagrante. Les sanctions imposées aux conducteurs respectueux des règles sont en totale contradiction avec l’absence de mesures sévères à l’encontre des « gbaka et wôrô wôrô » qui polluent nos rues et mettent en danger la vie des citoyens.
Les mesures du ministère des Transports : des efforts à saluer mais insuffisants
Le ministère des Transports, dirigé par Amadou Koné, a déployé des efforts considérables pour réguler le secteur du transport et renforcer la sécurité routière. Les actions mises en place incluent la mise en œuvre de la vidéoverbalisation, la modernisation du contrôle technique, et l’extension de la couverture des contrôles de la circulation. Selon les derniers rapports, 3 500 amendes ont été émises via vidéoverbalisation en 2024, et 1500 permis ont été suspendus pour des comportements de conduite à risque.
Cependant, ces initiatives semblent rencontrer des limites lorsque confrontées à des phénomènes d’impunité comme ceux observés chez les conducteurs de « gbaka » et « Wôrô Wôrô ». Les solutions actuelles ne ciblent pas de manière suffisante ces acteurs du transport informel, qui bénéficient encore d’une certaine tolérance, souvent en raison de leur ancrage social et économique dans la ville.
Appel à une prise de conscience et à des solutions durables
Pour que la réforme du secteur du transport soit réellement bénéfique et équitable, il est impératif que l’État prenne des mesures plus strictes et ciblées contre les conducteurs de « gbaka » et tous ceux qui perturbent l’ordre public. Il faut impérativement :
- Renforcer la régulation et les contrôles : Les forces de l’ordre doivent intervenir de manière plus systématique pour faire face aux abus observés, et les conducteurs de « gbaka » doivent être soumis aux mêmes contrôles que les autres usagers de la route. L’État pourrait envisager de déployer davantage de brigades spéciales pour traquer ces comportements dans les zones les plus sensibles d’Abidjan et d’autres grandes villes.
- Mettre à jour la législation et inclure des sanctions spécifiques : Les conducteurs de « gbaka » et « Wôrô Wôrô » doivent être soumis à des sanctions spécifiques qui reflètent la gravité de leurs actions. Des amendes plus élevées, des retraits de permis immédiats, et des saisies de véhicules devraient être envisagés.
- Inciter à l’informatisation du secteur du transport : Pour mieux contrôler le secteur du transport informel, l’État devrait favoriser l’innovation numérique, notamment en permettant l’enregistrement des « gbaka » et autres véhicules informels dans un système centralisé qui permettrait un suivi en temps réel.
- Promouvoir l’éducation à la sécurité routière : Un programme national d’éducation et de sensibilisation à la sécurité routière pourrait être lancé pour informer les conducteurs et les citoyens sur l’importance de respecter les règles et les conséquences de leur non-respect.
- Favoriser la transition vers des transports formels : Des mesures incitatives pourraient être mises en place pour encourager les transporteurs informels à se formaliser, en leur offrant des avantages fiscaux, des prêts à faible taux d’intérêt, ou même des programmes de formation.
Conclusion : Un engagement collectif pour la sécurité et l’équité
Le transport routier en Côte d’Ivoire est un secteur crucial pour le développement économique et la mobilité des citoyens. Cependant, l’absence de régulation stricte et de sanctions égales pour tous crée une injustice manifeste qui fragilise le système. Le gouvernement et les autorités compétentes doivent prendre les mesures nécessaires pour rétablir l’équité sur les routes, garantir la sécurité de tous les usagers et offrir un environnement de circulation respectueux des règles. Le temps est venu de corriger ce paradoxe et d’assainir davantage le secteur des transports pour garantir un avenir plus sûr et plus juste pour les Ivoiriens.
Auteur : Mohinder BR





















